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À PROPOS

Les travaux présentés ici sont la résultante du parcours sinueux que je construis entre l’art, l’architecture et le monde équestre ; ils me permettent de soulever des problèmes sous-jacents à ma pratique artistique et équestre. Les enjeux de mon travail me permettent de défricher, de creuser le terreau symbolique, théorique, pratique, que j’ai besoin d’explorer dans ma vie professionnelle, en quête d’une combinaison de l’art, de l’architecture et des chevaux qui sera sûrement le projet d’une vie.

Le point de départ de ce parcours est une double fascination : pour l’architecture et pour le cheval. La première fascination est vraisemblablement liée aux villes en mutation dans lesquelles j’ai vécu (Tokyo, Shanghai), qui m’ont profondément marquée, pour le lissage des formes urbaines à l’œuvre ou pour les archétypes formels qui s’imposent dans les tissus architecturaux au détriment des pratiques spontanées, locales et traditionnelles. J’ai été amenée à me questionner sur les mutations urbaines contemporaines qui, par la standardisation, vident les villes de leur identité et dépossèdent les habitants de leurs pratiques sociales.

Dans les différentes pratiques artistiques que j’ai expérimentées notamment à l’École Supérieure des Beaux-Arts d’Angers, j’ai constamment cherché à faire bouger les lignes des lieux : par le détournement (au sens situationniste) des formes urbaines, cartographiques et architecturales, j’ai essayé de révéler les liens qu’entretiennent espace et pouvoir. J’ai revendiqué le mélange des moyens d’expression, de réflexions autour de la ville, de l’urbain et tout ce qui s’y rapporte, mais aussi tout ce qui suggère la ville, dans son absence ou dans son ombre : les non-lieux, les ruines, les lieux affectés par la présence de l’homme.

Par la destruction ou le réagencement des formes architecturales, j’ai tenté de réhabiliter poétiquement des espaces délaissés, de décomposer les caractéristiques identitaires des corps et tissus citadins, ou de faire surgir plastiquement les transformations à l’œuvre dans les villes. Par des propositions et objections critiques, politiques, poétiques, j’ai tourné autour des tensions qui surgissent entre local et global, entre tradition et hyper- modernité ; résultantes d’un urbanisme rentable calqué sur des modèles fonctionnalistes occidentaux.

Suite à ces expérimentations et après avoir étudié l’Architecture Intérieure puis la Scénographie à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs à Paris — formation que j’ai conclue par l’organisation et la représentation d’une performance équestre au Centquatre à Paris —, j’ai décidé de m’attaquer à ma deuxième fascination — celle du cheval — et de basculer complètement dans le milieu professionnel équestre.

Je me suis formée au dressage classique pendant un peu plus d’un an à Madrid auprès de Juan Antonio Jimenez, cavalier olympique de dressage. En parallèle, j’ai travaillé dans une entreprise de cascade équestre, Nyumad, au sein de laquelle j’ai doublé des actrices à cheval pour des actions, des combats ou des chutes, et j’ai participé en tant que cavalière à des spectacles médiévaux, notamment au SICAB (Salón Internacional del Caballo de Pura Raza Española) en 2017.

L’étape espagnole de mon parcours et les difficultés que j’ai surmontées pour me faire accepter en tant que femme — respectée et non objet — dans un milieu particulièrement viril et masculin a été déterminante : le travail sur mon propre corps combiné à celui des chevaux, les heures d’observation, de ressentis, les caps passés, le dialogue des corps qui progressivement s’installe etc., ont conforté mon intuition initiale de trouver un moyen de combiner expression artistique et art équestre.

Les compétences que j’ai acquises en Espagne m’ont permis d’intégrer par la suite l’Académie Équestre de Versailles de Bartabas en tant qu’écuyère, où je suis restée deux ans. Le travail à l’Académie est un travail sur la relation de son propre corps avec celui des chevaux dans le but d’assurer, deux fois par semaine, la représentation en public de La Voie de l’Écuyer, dans le manège de la Grande Écurie du Château de Versailles imaginé par Patrick Bouchain. Ce spectacle, chorégraphié par Bartabas, se propose comme sublimation par la mise en scène de toutes les disciplines travaillées quotidiennement à l’Académie : le tir à l’arc japonais (Kyudo), le chant lyrique, l’escrime artistique à pied et à cheval, et la danse. Toutes ces pratiques se rejoignent dans l’exercice quotidien du dressage équestre, du travail monté et à pied (longues rênes) avec les chevaux. Les entrainements équestres deviennent un art, où les corps se conjuguent en quête d’harmonie. Les couples chevaux/écuyers orchestrés dans l’espace évoluent et s’intègrent dans l’architecture, répondant aux fresques murales dessinées par Jean-Louis Sauvat.

Nous avons travaillé pendant près de six mois à la réactualisation de Triptyk, spectacle imaginé par Bartabas en 2000, par l’équipe de l’Académie et celle du théâtre Équestre de Zingaro ; avant que le premier confinement du printemps 2020 ne vienne mettre un terme au projet. En plus des représentations de La Voie de l’Écuyer les week-ends, nous répétions la voltige et les chorégraphies équestres sous le chapiteau en bois de Zingaro à Aubervilliers avec l’équipe de danseurs de la Danza Contemporanea de Cuba (prévue sur le spectacle en 2000). Nous sommes allés jusqu’au stade des répétitions en musique et lumière, dans le dispositif scénographique installé (une dune au milieu de la piste circulaire et les sculptures de carcasses de chevaux de Jean-Louis Sauvat prêtes à être disposées dans l’espace scénique.)

Plus qu’à l’Académie où le spectacle La Voie de l’Écuyer reste sensiblement le même depuis sa création en 2003, ce travail mené à Zingaro, même s’il s’agissait de la reprise d’un spectacle déjà créé, m’a permis d’entrer dans l’intimité du processus de vie/travail, de réflexion et de création de Bartabas.

En quittant l’Académie Équestre de Bartabas, j’ai travaillé quelques mois dans une écurie de compétition de dressage, chez Marina Caplain Saint André, avant d’intégrer le Mastère Architecture et Scénographies de l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Paris Belleville et l'École Camondo avec une soif d’apprendre, de stimulations intellectuelles, de pouvoir renouer avec les enjeux contemporains de l’utilisation de l’architecture dans une dimension plastique, au service d’une exposition, d’un événement ou d’un spectacle.

Parallèlement au Mastère que j’ai vécu comme un tremplin méthodologique, expérimentatif et théorique pour ma pratique professionnelle, j’ai travaillé chez ARTER, entreprise de production d’événements artistiques et d’expositions, en tant qu’assistante Architecte et Scénographe notamment sur un projet d’exposition pour Saint Laurent à Shanghai. Grâce au niveau de précision et d’exigence inhérent au milieu du luxe, j’ai pu étayer des capacités à structurer les différentes étapes de projets scénographiques. Je suis aujourd’hui toujours en lien avec ARTER qui me confient régulièrement des missions : j’ai par exemple récemment travaillé sur la partie équestre de la scénographie qu’a imaginé Xavier Veilhan pour le court métrage d’ouverture du défilé de Chanel de janvier dernier au Grand Palais Éphémère.

Dans le cadre de la mise en situation professionnelle du Mastère Spécialisé, j'ai travaillé en tant que scénographe de septembre 2021 à avril 2022, pour Prohibé, le futur spectacle de la compagnie de «cirque-théâtre» équestre Jehol. Pour la première fois, j'ai pu partager mon quotidien entre un travail du corps (le travail des chevaux, la voltige) et le travail intellectuel que requiert cette création (recherches, représentations graphiques, maquettes...).

Si cette ambivalence de mon parcours a souvent été synonyme de douleur ou d’incompréhension de l’ordre de la lutte pour réussir à légitimer ma place dans l’un et l’autre des milieux qui me tiraillent, l’entêtement et la volonté de suivre mes intuitions ont primé sur les doutes — encore infinis —, me permettant de réaliser le point de jonction de ces deux fascinations. Je commence à comprendre, grâce au temps que j’ai pris pour les recherches de ma thèse professionnelle, en quoi explorer le dressage équestre, travailler mon corps pour la voltige, être dans l’intimité des répétitions de liberté, faire partie intégrante de la vie d’une compagnie deviennent indissociables de la quête de formes esthétiques, de mes obsessions architecturales, des rêves de lieux, des recherches plastiques et dramaturgiques que je mène en parallèle.

 

Les enjeux de cette thèse professionnelle articulent ces chemins en me permettant de donner corps à mes ambitions artistiques: les problématiques qui se révèlent à travers ces recherches sont des points d’entrée, de la matière première que je voudrais déployer pour leur donner vie, les incarner dans des structures scéniques, imaginaires ou sensibles.

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